L’abondance de tissu adipeux péri-prostatique : un nouveau facteur de risque de progression du cancer de la prostate

Coordonnateur scientifique Catherine MULLER STAUMONT – Professeure à l’Université Toulouse 3 – Paul SABATIER et Directrice de recherche de l’équipe «Micro-environnement, Cancer et Adipocytes», IPBS – Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale

Financement alloué: 195.000€



Equipe de recherche :
– Equipe “ Protéomique et Spectrométrie de masse des Biomolécules » dirigée par Odile Schiltz, IPBS – Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale,
– Equipe “Sécrétions adipocytaires, Obésités et Pathologies associées”, dirigée par Philippe VALET, I2MC – Institut des maladies métaboliques et cardio-vasculaires
– Equipe « Microenvironnement du Tissu Adipeux » dirigée par Anne Bouloumié, I2MC – Institut des maladies métaboliques et cardio-vasculaires
– Pr Bernard Malavaud – Département de chirurgie – CHU Toulouse / IUCT-Oncopole

Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Si la plupart des cancers de la prostate sont de bon pronostic, certains cancers vont être plus agressifs et vont disséminer dans l’organisme. Si certains de ces cancers sont de bon pronostic, les cancers métastatiques sont de traitements plus difficiles. Comprendre ce qui rend un cancer de la prostate plus agressif est un des enjeux majeurs de la prise en charge de cette maladie afin de mieux prendre en charge les patients.

Le rôle délétère du tissu graisseux autour de la prostate pourrait ne pas être limité aux personnes obèses. En effet, les travaux de l’équipe du Professeur Catherine Muller-Staumont montrent qu’environ 25% de sujets de poids normal présentent une accumulation abondante de graisse autour de la prostate Les cancers des sujets présentant une graisse périprostatique abondante semblent avoir des cancers plus agressifs
ADIPAT est une étude translationnelle (interaction entre la recherche clinique et la recherche amont) ambitieuse qui a été réalisée exclusivement avec des échantillons humains, ce qui a demandé des efforts considérables aux médecins et chercheurs.

Les objectifs de ce projet de recherche étaient nombreux :

1) Confirmer sur une grande série de patients qu’il existe un lien entre l’abondance de graisse périprostatique et l’agressivité du cancer,
2) Comprendre comment la graisse s’accumule autour de la prostate
3) Analyser ces dépôts de graisse périprostatiques abondants (aspect, signaux émis) afin de comprendre les mécanismes qui leur permettre de rendre les cancers plus agressifs : l’importance des dépôts graisseux autour de la prostate pourrait constituer un nouveau facteur de risque de cancers agressifs.
4) A terme, proposer des stratégies de traitement innovantes basées sur la caractérisation et le niveau d’abondance du tissu adipeux périprostatique : en interrompant par exemple le dialogue entre cellules graisseuses et cancers.

Les avancées scientifiques du projet :

Le lien entre l’abondance du tissu adipeux périprostatique (TAPP)et l’agressivité du cancer a été confirmé sur une large série de patients (300 patients) ayant bénéficié d’une prostatectomie pour un cancer de la prostate

Les résultats obtenus sont très originaux et ont permis de montrer pour la première fois la nature des modifications structurales et fonctionnelles des Tissus Adipeux Péri-Prostatiques (TAPP) abondants.
ADIPAT a montré qu’il existait une hypertrophie adipocytaire sans inflammation associée : les TAPP abondants présentent un remodelage de la matrice extracellulaire, rendue plus lâche, permettant d’expliquer leur expansion sans inflammation.
Cette nécessité de réguler négativement la matrice pour accumuler le TAPP s’explique aussi par l’organisation physiologique du TAPP qui est un tissu hypoxique et fibrotique par rapport à d’autres dépôts adipeux.
Le remaniement de la matrice extra-cellulaire dans les TAPP s’accompagne d’une augmentation de l’expression de certaines métalloprotéases et génèrent des fragments bioactifs de la matrice extra-cellulaire appelés matrikines. La surexpression de ces molécules dans le PPAT pourrait favoriser l’agressivité des cancers de la prostate à proximité.

Perspectives :

L’étude translationnelle d’ADIPAT a nécessité un travail considérable afin d’obtenir des échantillons adéquats bien répertoriés, une mise au point des outils à mettre en œuvre qui a impliquée de nombreuses équipes cliniques et fondamentales. Le dosage des protéines impliquées dans le remodelage de la matrice extracellulaire et les fragments bioactifs générés associé à la mesure de l’abondance du TAPP pourrait constituer une approche utile à la stratification des risques dans le cancer de la prostate.
Ainsi, un transfert rapide vers la clinique avec une étude prospective menée par le service d’urologie est envisagé.

Publications

Estève D, Roumiguié M, Manceau C, Milhas D, Muller C*. (2020). Periprostatic adipose tissue: A heavy player in prostate cancer progression. Current Opinion in Endocrine and Metabolic Research 10: 29-35 (revue sur invitation) (soutien de la TCS mentionné)

Communications orales :

– Roumiguié M, Toulet A, Estève D, Belles C, Gilleron J, Chaoui K, Ducoux-Petit M, Burlet-Schiltz O, Bouloumié A, Valet P, Malavaud B, Milhas D, Muller C. The Adipose Tissue that surrounds the prostate gland exhibits traits of hypoxic state that could contribute to its role in cancer progression. 26th Meeting of the European Society of Urology Research, Porto October 10-12th, 2019

Poster :

– Roumiguié M#, Estève D# ,Toulet A, Belles C, Gilleron J, Chaoui K, Ducoux-Petit M, Burlet-Schiltz O, Bouloumié A, Valet P, Malavaud B, Milhas D, Muller C. Le tissu adipeux qui entoure la prostate présente un phénotype hypoxique qui pourrait expliquer son effet sur la progression tumorale. 28 ième Congrès de l’Association de Recherche sur les tumeurs prostatiques, Paris 28 Novembre 2019, Poster – Prix du meilleur poster

Prix :

– Cécile Manceau – Prix Spécial du Jury des chirurgiens de l’avenir 2020. Ce prix attribué par la Fondation de l’avenir en collaboration avec l’Académie de Chirurgie récompense le travail effectué au cours de l’Année Recherche de cette interne en Urologie sur la caractérisation de l’organisation tissulaire et vasculaire du TAPP. Ses travaux ont montré que le tissu adipeux périprostatique humain présente une organisation tissulaire et vasculaire spécifique conduisant à un état d’hypoxie chronique par rapport à d’autres dépôts adipeux. Cet état d’hypoxie crée dans ce tissu un environnement inflammatoire et fibreux qui favorise la progression du cancer de la prostate.