Le lymphœdème secondaire consiste en un gonflement du bras qui apparaît suite à un cancer du sein. Il fait référence à une condition de dysfonctionnement lymphatique, qui se traduit par une accumulation massive de liquide et de graisse ce qui en fait une maladie douloureuse et handicapante qui touche près de 15% des femmes ayant eu un cancer du sein. Bien que ce soit une maladie invalidante et commune, son traitement reste limité et largement inefficace se réduisant à des massages et au port de bandages de contention.
Plus de 10% des survivantes du cancer du sein développent un lymphœdème secondaire dans les semaines, les mois et parfois les années suivant la chirurgie et la radiothérapie, ce qui suggère que le lymphœdème n’est pas seulement un effet secondaire de la chirurgie.
Le projet de Barbara Garmy-Susini vise à caractériser la physiopathologie du lymphœdème. Elle étudie à la fois les facteurs de risque (hormonothérapie et chimiothérapie) et les facteurs aggravants de la pathologie. À l’aide d’approches OMICS (lipidomique, RNAseq) réalisées avec le soutien de la fondation Toulouse Cancer Santé, elle a identifié des cibles thérapeutiques potentielles pour restaurer le flux lymphatique. En particulier, son groupe a souligné le rôle crucial de la résolution de l’inflammation dans le développement du lymphœdème.
Ce projet avait donc 3 objectifs principaux :
1) L’étude du rôle de l’hormonothérapie dans le développement du lymphœdème
2) L’étude du rôle de la chimiothérapie dans le développement du lymphœdème
3) La recherche de biomarqueurs prédictifs du lymphœdème dans le lymphœdème secondaire associé au cancer du sein
En parallèle, ce projet a été étendu à une étude clinique sur des femmes traitées par cancer du sein ayant développé un lymphœdème secondaire.
Ce projet multidisciplinaire, structurant et fédérateur a voulu déterminer si la chimiothérapie pouvait affecter le système lymphatique des femmes en comparant les tissus avant et après le développement d’un lymphœdème.
Les avancées scientifiques du projet :
– Rôle de l’hormonothérapie
Dans l’étude CHEMOLYMPH, un nouveau modèle de lymphœdème secondaire a été développé pour explorer l’effet de l’estradiol (E2) sur l’endothélium lymphatique.
Cette étude suggère le rôle crucial de l’estradiol E2, l’œstrogène le plus prédominant, dans la restauration d’un endothélium lymphatique fonctionnel et le maintien du drainage lymphatique. Après la guérison, les vaisseaux lymphatiques hypertrophiés et anormaux, associés à une perte de l’effet protecteur de l’estradiol sur le lymphœdème impliquent des aspects médicaux sur la qualité de vie des patientes.
– Rôle de la chimiothérapie
CHEMOLYMPH a permis de déterminer que certaines chimiothérapies favorisent l’autophagie des cellules endothéliales lymphatiques (LEC) pour induire la survie des vaisseaux et pour stimuler les métastases tandis que la croissance tumorale est inhibée.
– La recherche de biomarqueurs prédictifs du lymphœdème dans le lymphœdème secondaire associé au cancer du sein
Lorsque le lymphœdème devient trop handicapant, les femmes subissent des liposuccions des bras. Des échantillons de ces tissus féminins (peau et tissu adipeux) ont été analysés et comparés, par rapport au bras témoin, pour établir l’architecture anatomique du système lymphatique.
Une signature génomique spécifique chez les femmes ayant développé un lymphœdème a été déterminée avec plus de 500 gènes qui sont dérégulés. Ces gènes représentent des cibles thérapeutiques prometteuses pour la pathologie.
Perspectives :
Grâce aux différents résultats obtenus et publications dans le cadre du projet CHEMOLYMPH, Barbara Garmy Susini a soumis un projet auprès de l’Europe, et a obtenu un financement dans le programme Horizon 2020. Ce projet intitulé «Theralymph» permettra d’effectuer un essai clinique de phase I / II chez les patients ayant un lymphœdème. Son groupe développe une thérapie génique pour le lymphœdème basée sur l’administration de VEGFC (ciblant les capillaires) couplé à une molécule capable de restaurer la contraction des vaisseaux collecteurs lymphatiques. Son objectif principal est de proposer de nouvelles perspectives et nouvelles applications de « médecine régénérative » vers un traitement pour cette pathologie à ce jour incurable.
Publications :
1. Morfoisse F. PhD1*, Tatin F. PhD 1*, Chapût B. MD2, Therville N.3, Vaysse C. MD 4, Métivier R. PhD 5, Malloizel-Delaunay J. MD 6, Pujol F. 1, Godet AC. 1, De Toni F. PhD1, Boudou, F. 1, Grenier k. 7, Dubuc D. 7, Lacazette E. PhD 1, Prats AC. PhD 1, Guillermet-Guibert J. PhD 3, Lenfant F. PhD 1, Garmy-Susini B. PhD “Lymphatic vasculature requires estrogen receptor alpha signaling to protect from lymphedema”. Arterioscler Thromb Vasc Biol. 2018 Apr 12.
2. Garmy-Susini B. « Hormone therapy outcome in lymphedema. » Aging. 2019 Jan 16; 11(2):291-292.
3. Audrey Zamora1, Melinda Alves1, Charlotte Chollet2, Nicole Therville3, Tiffany Fougeray4, Florence Tatin1, Camille Franchet5, Anne Gomez-Brouchet5, Charlotte Vaysse2, Laurent O. Martinez1, Souad Najib1, Julie Guillermet-Guibert3, Eric Lacazette1, Anne-Catherine Prats1, Barbara Garmy-Susini. « Paclitaxel induces lymphatic endothelial cells autophagy to promote metastasis ». Cell Death & Disease,
4. Malloizel-Delaunay J, Chantalat E, Bongard V, Chaput B, Garmy-Susini B, Yannoutsos A, Vaysse C. « Endermology treatment for breast cancer related lymphedema (ELOCS): Protocol for a phase II randomized controlled trial. » Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2019 Oct;241:35-41.