Dynamique cellulaire et mécanique tissulaire à l’interface du micro-environnement cellulaire pendant la transition mésenchymateuse épithéliale.
Porteur du projet : Dr Eric Théveneau, chargé de recherche au Centre de Biologie du Développement,CNRS
Financement alloué : 160.000€
Durée du projet: 48 mois (janvier 2015 / décembre 2018)


Dr Eric Théveneau

Les cancers les plus courants (sein, poumon, prostate) sont des carcinomes, c’est-à-dire qu’ils se développent à partir d’un épithélium, tissu de cellules étroitement juxtaposées. Il arrive que se forment des tumeurs secondaires, ou métastases, issues de la dissémination du cancer dans divers tissus et organes. Pour pouvoir se disperser ainsi dans l’organisme, les cellules tumorales doivent acquérir certaines propriétés, comme être capables de se déplacer. Elles doivent donc passer d’un état épithélial à un état dit mésenchymateux dans lequel elles n’ont que peu de contacts avec les autres cellules. La transition épithélio-mésenchymateuse est un processus normal qui permet, entre autres, la formation des divers organes lors du développement embryonnaire, mais qui est mis en veille chez l’adulte. Des mutations au niveau de certains gènes peuvent réactiver cette transition épithélio-mésenchymateuse, entrainant potentiellement le développement d’une tumeur invasive.

Le Dr Théveneau et ses collaborateurs ont décidés de se concentrer sur deux familles de gènes communément retrouvés actifs dans les tumeurs humaines : Sox9 et Snail2. Ils ont développé un système permettant d’induire la formation de tumeurs plus ou moins agressives par l’expression simultanée de ces oncogènes, ou de façon séparée. Ils ont utilisé des systèmes d’organes en culture permettant de s’affranchir de l’utilisation d’animaux de laboratoire.

Le projet repose sur différentes stratégies menées en parallèle.

1. Caractérisation du phénotype des tumeurs hautement invasives par rapport aux tumeurs peu invasives : la réorganisation de l’épithélium a lieu très peu de temps après l’activation de l’oncogène, même dans des situations peu invasives. La modulation de la prolifération, de la polarité cellulaire et de la dégradation de la matrice peuvent entrer en compte dans les événements précoces observés au cours de la formation de la tumeur.
2. Reconstruction des tumeurs précoces en trois dimensions par microscopie confocale : sur des échantillons fixes à différents moments après l’activation de l’oncogène, il a été constaté que la forme des noyaux a évolué à des moments très précoces lors de l’initiation de la tumeur.
3. Analyse du transcriptome (ensemble des ARN issus de la transcription du génome) des tumeurs peu invasives par rapport aux tumeurs hautement invasives : plus de 300 gènes d’intérêt ont été ainsi identifiés, et parmi eux, 20 ont été sélectionnés en raison de leurs rôles putatifs dans l’adhésion, la polarité, l’invasion et la migration cellulaire.
4. Modélisation mathématique de la stabilité épithéliale : la mise en place d’un modèle mathématique permettant de prédire le comportement et le devenir des cellules tumorales a permis d’identifier les modifications survenant au sein de l’épithélium à des stades très précoces de la transition vers l’état mésenchymateux.

Les avancées scientifiques du projet :

Ce projet a permis d’accroitre les connaissances des évènements précoces dans la formation des métastases issues de carcinomes, et ainsi ouvrir la voie à de nouvelles stratégies de diagnostique ou de thérapie.
Les résultats indiquent clairement que l’activation des oncogènes conduit rapidement à la polarité cellulaire, à la prolifération cellulaire, au tri cellulaire et au remodelage de la matrice, même dans les tumeurs non invasives, mais également que la dégradation de la matrice cellulaire ne peut pas se produire trop tôt.
L’analyse du transcriptome a permis de valider les candidats les plus prometteurs. La modélisation de la réorganisation épithéliale des oncogènes a pu être réalisée et la reconstruction en 3D de tumeur précoce a pu être obtenue.

Ce projet a permis de financer les études doctorales de Fernando Duarte pendant 2 ans (2015 et 2016), un chercheur post-doctorant pendant un an et deux stages de Master 2 au courant de l’année 2018, dans l’équipe d’Eric Théveneau du CBD, ainsi qu’un chercheur post-doctorant, Pol Kennel pendant 12 mois dans l’équipe de Franck Plouraboué de l’IMFT.

Les résultats du projet DYNAMECA ont permis d’ouvrir de nombreuses pistes de recherches encore développées dans l’équipe du Dr Theveneau. La partie modélisation des tumeurs se poursuit et devrait aboutir prochainement à un nouveau modèle dans lequel les différents paramètres cellulaires seront contrôlables dans le temps et l’espace à l’échelle de la cellule permettant ainsi une meilleure compréhension des mécanismes de coopération entre les différents phénomènes conduisant à la déstabilisation d’un épithélium.

Par ailleurs, l’analyse du transcriptome a mis en avant l’importance de deux gènes de la famille des métalloprotéases (MMP14, MMP28), deux enzymes fréquemment exprimées dans les cancers et normalement connues pour leur rôle dans la dégradation de la matrice. L’équipe du Dr Theveneau a pu les étudier plus en détail et a mis au jour des fonctions très précoces, jusque-là insoupçonnées, pour ces deux enzymes. MMP14 peut agir sur la polarité cellulaire indépendamment de son activité de dégradation. MMP28 quant à elle peut agir dans la cellule. Elle est importée dans le noyau des cellules épithéliales. Là elle régule l’expression d’autres gènes essentiels au départ en migration. Ce rôle intra-nucléaire de MMP28 est en cours d’exploration dans les tumeurs, notamment ceux de la prostate et du colon.

Publications :

Nadège Gouignard, Anne Bibonne, Jean-Pierre Saint-Jeannet, Eric Theveneau*. Transcriptional regulation of EMT by nuclear MMP28. BioRXiv, 2020. doi: https://doi.org/10.1101/2020.11.19.389544
Gouignard N, Theveneau E*, Saint-Jeannet JP. Dynamic expression of MMP28 during cranial morphogenesis. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci. 2020 Oct 12;375(1809):20190559. doi: 10.1098/rstb.2019.0559. Epub 2020 Aug 24. PMID: 32829678

Gouignard N, Rouvière C, Theveneau E*. Using Xenopus Neural Crest Explants to Study Epithelial-Mesenchymal Transition. Methods Mol Biol. 2021;2179:257-274. doi: 10.1007/978-1-0716-0779-4_20. PMID: 32939726. PMID: 32939726

Yang J, Antin P, Berx G, Blanpain C, Brabletz T, Bronner M, Campbell K, Cano A, Casanova J, Christofori G, Dedhar S, Derynck R, Ford HL, Fuxe J, García de Herreros A, Goodall GJ, Hadjantonakis AK, Huang RJY, Kalcheim C, Kalluri R, Kang Y, Khew-Goodall Y, Levine H, Liu J, Longmore GD, Mani SA, Massagué J, Mayor R, McClay D, Mostov KE, Newgreen DF, Nieto MA, Puisieux A, Runyan R, Savagner P, Stanger B, Stemmler MP, Takahashi Y, Takeichi M, Theveneau E, Thiery JP, Thompson EW, Weinberg RA, Williams ED, Xing J, Zhou BP, Sheng G; EMT International Association (TEMTIA). Guidelines and definitions for research on epithelial-mesenchymal transition. Nat Rev Mol Cell Biol. 2020 Jun;21(6):341-352. doi: 10.1038/s41580-020-0237-9. Epub 2020 Apr 16. PMID: 32300252 Free PMC article. Review. PMID: 32300252

Andrieu C, Montigny A, Bibonne A, Despin-Guitard E, Alfandari D, Théveneau E*. MMP14 is required for delamination of chick neural crest cells independently of its catalytic activity. Development. 2020 Apr 12;147(7):dev183954. doi: 10.1242/dev.183954. PMID: 32280063. PMID: 32280063

Fernanda Bajanca, Nadège Gouignard, Charlotte Colle, Maddy Parsons, Roberto Mayor & Eric Theveneau. In vivo topology converts competition for cell-matrix adhesion into directional migration Nature Communications volume 10, Article number: 1518 (2019) 2019 Apr

Ferreira, Despin-Guitard, Duarte, Degond* and Theveneau*. Interkinetic nuclear movements promote apical expansion in pseudostratified epithelia at the expense of apicobasal elongation
Plos Computational Biology 2019 Dec *co-corresponding authors